Le film Wonder : ce qu’en disent les critiques et les personnes concernées

La sortie en France sur les écrans du film Wonder de Stephen Chbosky, tiré du roman de R.J. Palacio, met en scène la vie d’Auggie Pullman, un enfant atteint d’une malformation faciale. Elle a donné lieu à de multiples avis, dès sa projection à partir de décembre 2017. A côté des critiques cinématographiques, certains émanent de gens personnellement concernés par un handicap esthétique, ou de parents d’enfants atteints.

Avis du public

C’est le cas d’Ariel Henley, atteinte d’une affection génétique se traduisant par des malformations du crâne et du visage, qui porte un regard critique sur Wonder dans The Atlantic. Elle considère que le film minimise certaines réalités de la vie avec un handicap esthétique. Bien que la Children’s Craniofacial Association ait soutenu et fait connaître le roman de R.J. Palacio en l’utilisant comme outil pédagogique, pour elle, l’adaptation du roman s’adresserait moins aux personnes atteintes d’un handicap esthétique qu’à ceux avec qui ils vivent (famille, amis) ou qu’au grand public, cela au détriment de certains aspects émotionnels, matériels, médicaux ou psychologiques. Ainsi, la vie d’Auggie au sein d’une famille aisée peut sembler idyllique et ne pas rendre compte du fardeau financier que représentent 27 interventions chirurgicales aux Etats-Unis.

Elle considère que le film minimise certaines réalités de la vie avec un handicap esthétique.

L’un de ses autres reproches au film est qu’il exprime tour-à-tour le point de vue et la vie des différentes personnes autour d’Auggie, comme par exemple l’histoire de sa sœur Via. Pourtant, cette construction du scénario a été justement plutôt appréciée de la plupart des critiques. Pour elle, cela conduit au contraire à effacer le personnage d’Auggie, dont le rôle se résumerait à s’adapter à un environnement social qui le rejette.

Elle regrette aussi le rejet par Auggie de sa propre apparence, qu’il cache sous un casque d’astronaute. C’est pourtant le ressenti de bien des personnes atteintes de handicap esthétique.

Sa principale critique reste que la représentation au cinéma de personnes atteintes de malformations faciales, à travers le rôle d’Auggie, ait été confiée à un acteur qui en est indemne. Pourtant, Jacob Tremblay, le jeune acteur qui interprète Auggie, a assisté deux ans de suite aux réunions annuelles de la Children’s Craniofacial Association, en compagnie d’enfants atteints, pour se préparer à son rôle.

Quant au message « choisissez la gentillesse » (« choose kind »), Ariel Henley pense que même s’il s’adresse à tous, il peut être plus difficile à mettre en pratique lorsqu’on est soi-même victime de rejet du fait d’un handicap esthétique. En ce sens, pour elle, le film n’est pas tant destiné à soutenir les personnes souffrant d’un handicap esthétique qu’à faire comprendre aux autres que ce sont des personnes comme tout le monde malgré leur différence physique.

Faire comprendre aux autres que ce sont des personnes comme tout le monde malgré leur différence physique

Même s’ils considèrent eux aussi que le film Wonder ne s’adresse pas en priorité à eux-mêmes mais au grand public, d’autres enfants et leurs parents ont eu des réactions plus nuancées et favorables à la fois au livre et à son adaptation au cinéma, comme le rapporte un article du Washington Post. Le père d’une enfant atteinte de la même malformation faciale qu’Auggie a ainsi trouvé que le livre a permis de mieux faire connaître le handicap esthétique et ainsi changer les comportements, contribuant à réduire le harcèlement scolaire. Le livre a aussi été l’occasion pour des enfants atteints de s’exprimer sur leur propre vécu. Les lecteurs français ont été très enthousiastes.

Enfin pour de nombreux professeurs, il représente un manuel pour apprendre à accepter les autres comme ils sont. Ces avis favorables, voire enthousiastes, se retrouvent sur des blogs de parents concernés par le handicap de leur enfant comme Our Altered Life.

Le magazine AuFeminin.com a donné la parole à Gaëlle, maman d’Eden, atteinte d’un nævus géant congénital. Les ayant vécues, elle s’est identifiée aux situations décrites dans le film, qui vont de l’inquiétude maternelle vis-à-vis du regard des autres à l’attitude protectrice de la fratrie d’un enfant atteint. Elle a vu tout l’intérêt du film pour changer le regard des autres et faire accepter la différence.

Avis de quelques critiques

Tous ces avis de familles et d’enfants directement concernés dans la vie réelle par un handicap esthétique congénital contrastent avec certains avis de critiques cinématographiques qui n’ont absolument pas perçu que l’histoire d’Auggie correspond bien à la réalité pour certaines personnes. Ils ne l’ont hélas considérée que comme pure fiction.

Ainsi Le Parisien en fait un « film à la guimauve [qui] ne recule devant rien pour tirer les larmes [et] manque cruellement de réalisme ». Manque de réalisme ?… Mais il y a pire. Simon Riaux, dans Ecran Large, sous un titre se voulant peut-être ironique (« critique défigurée »), égrène des qualificatifs outranciers et particulièrement malvenus lorsqu’on aborde le handicap esthétique : « délit de sale gueule », « petit enfant moche », « moutard le plus laid de la création ». On se demande si l’auteur de ces lignes a bien conscience de ce qu’il écrit, et de l’impact des mots qu’il emploie sur les enfants concernés et leur famille.

[Quelques critiques cinématographiques … ] n’ont absolument pas perçu que l’histoire d’Auggie correspond bien à la réalité pour certaines personnes.

Luc Chessel, dans une chronique confuse pour Libération, avec un titre là-encore très recherché (« Wonder, une pile de bons sentiments »), ne voit que «les ficelles pour faire pleurer », tout en s’offusquant que le film se limite à vouloir « changer notre regard plutôt que l’ordre du monde » (rien que ça) et ne fasse pas d’Auggie « un héros de la lutte pour la justice » (sic).

Enfin dans une chronique lapidaire et désinvolte, Le Figaro n’hésite pas à décrire Auggie comme un « mélange de Calimero et de Frankenstein»

Preuve qu’un énorme travail est encore nécessaire pour faire évoluer non seulement le regard sur la différence esthétique, mais aussi les paroles et les attitudes.

Voir quelques retours des scolaires français.

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