L’origine congénitale ou acquise d’une particularité corporelle permet-elle de prédire les conséquences psychosociales liées à une différence de l’apparence?

Par le Docteur Béatrice de REVIERS

L’origine congénitale ou acquise d’une particularité corporelle permet-elle de prédire les conséquences psychosociales liées à une différence de l’apparence? Telle est la question que se sont posés Zucchelli et al dans une étude récente (1).

Dans cette étude, les auteurs concluent que le caractère congénital ou acquis, n’a aucune influence sur les répercussions psychologiques des patients. En revanche, ils mettent à jour un certain nombre de facteurs protecteurs tels que :  le caractère « dissimulable » de la différence corporelle par des vêtements (ou par camouflage), la propension à l’optimisme et enfin le soutien social dont bénéficie le patient.

On constate que les cas étudiés dans cette étude, présentent une grande hétérogénéité à la fois au sein d’un même groupe mais également entre les deux groupes comparés, tant dans l’origine de leur particularité que dans leurs conséquences médicales ou encore dans les répercussions sur leurs vies quotidiennes. Le seul dénominateur commun qui les unit tous, est une réaction induite par le dévoilement aux regards des autres de cette différence corporelle.

Cela n’ implique-t-il pas une interrogation secondaire ?  Ce dévoilement n’est-il pas incontournable, un jour ou l’autre dans la vie de tout patient ? Mais alors, la dissimulation par les vêtements peut-elle être considérée comme un élément protecteur ? Qu’en est-il lors d’un épisode de vie en collectivité ( piscine, vestiaires, école maternelle etc), dans la vie affective et intime (que l’on souhaite à tous ces patients) ? 

Les auteurs de l’article soulignent bien, que la dissimulation par les vêtements fait appel à une stratégie d’évitement mais ne développent pas cet aspect important. Or n’est-il pas unanimement reconnu en psychologie clinique que l’évitement expérientiel soulage à court terme mais aggrave à long terme une souffrance et induit des comportements inadaptés

Donc n’est-il pas dangereux de conclure aux effets bénéfiques de cette dissimulation comme l’article pourrait le laisser entendre ?

L’optimisme est un autre facteur protecteur mis en évidence dans cette étude. Or cette propension à l’optimisme n’est-elle pas directement induite par les expériences de vie, les modes d’attachement, l’existence ou non d’une « mémoire traumatique » et de bien d’autres facteurs… Cet optimisme ne serait-il pas une manifestation concrète du soutien social et familial comme facteur protecteur ?

A la lecture de tous ces éléments, mis en évidence dans cette étude, ne serait-il pas opportun de concentrer nos efforts sur L’EXPOSITION (2), clé de voûte des thérapies comportementales et cognitives, visant à inhiber les apprentissages inadaptés au profit de cognitions et d’expériences plus bénéfiques et plus épanouissantes. L’EXPOSITION telle que nous l’avons envisagée (3) va bien au-delà du simple dévoilement volontaire ou involontaire de la particularité physique mais sécurise celui-ci face à la curiosité que la différence corporelle génère. Elle implique le recours à un plan d’action précis qu’on élaborera avec le patient, en s’appuyant sur des techniques et des outils spécifiques.    

Cette EXPOSITION ne peut s’envisager qu’au travers d’une parfaite compréhension de l’histoire personnelle de chaque patient, afin d’analyser les mécanismes psychologiques impliqués, les facteurs de renforcement et leurs conséquences. 

Nous rejoignons alors la notion de « théorie globale » du patient (4) permettant un accompagnement efficace, dynamique et personnalisé, bien loin d’une démarche protocolisée qui dans de tels cas, serait réductrice, inefficace et parfois dangereuse.

La compréhension de la problématique induite par un différence corporelle et de ses conséquences psychologiques ne peut se réduire à la mise en évidence de facteurs simples et isolés car elle est le reflet d’une multitude de vies uniques, toujours complexes et faites de multiples interactions.  

Docteur Béatrice de REVIERS

Paris, Le 13 septembre 2023

1 –  Zucchelli, Fabio, et al. “Do Congenital and Acquired Causes of Visible Difference Predict Distinct Appearance-Related Psychosocial Outcomes?” Body Image, vol. 45, 2023, pp. 355–61, https://doi.org/10.1016/j.bodyim.2023.03.016.

2 – Craske, Michelle G., et al. “Maximizing Exposure Therapy: An Inhibitory Learning Approach.” Behaviour Research and Therapy, vol. 58, 2014, pp. 10–23, https://doi.org/10.1016/j.brat.2014.04.006.

3- de Reviers, Béatrice; de Vries, Herman. Overcoming social appearance anxiety among children affected by congenital physical differences. Current Opinion in Pediatrics 35(4):p 475-480, August 2023. | DOI: 10.1097/MOP.0000000000001257

4- Vries, Herman de, La formulation des cas cliniques en Thérapie Comportementale et Cognitive. Psychologies et Éducation, revue de l’AFPEN (Association des Psychologues de l’Éducation Nationale), nr. 2, p. 57-74, 2017