Le film Wonder a enthousiasmé les amis d’Anna

LWonder-affiche’analyse de Sandrine Massoni, psychologue clinicienne

Wonder illustre merveilleusement bien les émotions suscitées par la situation de handicap chez un enfant et permet une identification du spectateur à celles-ci, le conduisant à un intéressant travail sur soi pour modifier sa propre perception du handicap.

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Dans le film Wonder, le travail d’acceptation a été réalisé par la famille et les proches. Auggie est un petit garçon épanoui, drôle et enjoué. Le deuil a été fait : Auggie est accepté et aimé. On décèle toutefois subtilement l’impact du handicap sur les relations familiales et fraternelles. Auggie est surinvesti et protégé par ses parents, alors que sa sœur s’est effacée pour lui céder toute la place, au prix d’une grande souffrance. Auggie existe pleinement. En revanche son intégration scolaire le confronte à la dure réalité de la cruauté des enfants. Mais le temps fait un travail d’acceptation.

Wonder est ainsi un film à la fois émouvant et pédagogique car il conduit à considérer le handicap avec bienveillance et à l’accepter de telle sorte qu’il ne soit finalement plus perceptible.

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Tout handicap qu’il soit congénital ou consécutif à un événement (accident, maladie…) constitue un choc pour celui qui le vit et son entourage familial. Il faudra du temps pour accepter l’inacceptable. Le temps est un allié thérapeutique naturel car il favorise le franchissement des étapes du deuil auquel n’est confrontée toute personne atteinte d’un handicap.

La première étape est celle de la prise de conscience brutale de la réalité. Par la suite, chaque personne est amenée à réagir et manifester des besoins très différents. Certaines personnes cherchent à tout comprendre pour se préparer et réduire leur anxiété, ce qui les conduit à développer une expertise très précise dans le domaine du handicap qui touche leur enfant. D’autres en revanche préfèrent ne pas y penser. Cette période peut susciter des conflits ou des sentiments d’incompréhension, voire de profonde solitude et de désespoir.

Concernant le handicap esthétique congénital, le choc survient à la naissance et affecte en premier lieu les parents, mais aussi la famille élargie et l’équipe soignante. La découverte du handicap place les parents dans un état d’impuissance qui exacerbe leur anxiété. Cette période est épuisante moralement et physiquement. A chaque nouvelle opération subie par leur enfant, les parents traversent de nouveau ces moments d’anxiété intense mêlée à l’espoir d’un avenir meilleur.

L’enfant quant à lui prend conscience de son handicap au fil du temps en grandissant. Il se construit au travers du regard bienveillant et souriant des membres de sa famille et de ses proches. Ainsi, l’enfant se sent aimé et en sécurité au sein de sa famille. En revanche, à l’extérieur et en collectivité les regards et les remarques malveillantes sont susceptibles de l’inquiéter, l’inhiber et affecter son estime de soi. L’entrée à l’école est donc une période délicate et anxiogène qui nécessite d’agir en amont auprès de l’institution afin d’établir un cadre rassurant pour l’enfant facilitant ses relations avec les autres. En parallèle à cette action, de nombreux parents choisissent de s’investir dans l’environnement de leur enfant afin d’expliquer son handicap, rassurer et tenter ainsi d’éviter le rejet et le harcèlement physique et moral dont il peut être victime.

Les prises de conscience multiples qui interviennent à des phases clefs du développement d’un enfant, telles que l’âge de raison ou l’adolescence, peuvent constituer des périodes de grande souffrance psychologique et de remise en cause personnelle. Le lien social et l’amitié ainsi que les bonnes relations dans la fratrie sont bien évidemment des ressources déterminantes dans la construction de l’estime de soi. A ce titre, il est essentiel de les favoriser pour le bien-être de l’enfant atteint d’un handicap esthétique.

Pour les parents et la fratrie, les sentiments éprouvés face au handicap de l’un des leurs  peuvent être ambivalents ou clivés. De nombreuses questions assaillent les parents et restent souvent sans réponse. Comment vais-je réussir à le protéger ? Quel sera son avenir professionnel ? Sera-t-il heureux ? Aura-t-il des amis ? Il arrive en effet fréquemment que le handicap touche une faille narcissique qui contribue à accentuer le sentiment de culpabilité des parents. Ils dépensent alors une énergie considérable dans ce questionnement légitime relatif aux conséquences sociales et affectives du handicap de leur enfant.

Le handicap peut aussi être vécu comme une terrible frustration : celle de ne pas avoir l’enfant fantasmé et imaginé, conduisant la famille entière à faire le deuil de cette représentation. Fort heureusement, avec le temps et les beaux sourires de leur enfant, l’amour des parents prend le pas sur ce sentiment de frustration initiale.

Dans la fratrie, les frères et sœurs traversent eux aussi des moments difficiles. Certains enfants taisent leur souffrance afin d’épargner leurs parents et l’enfant concerné. Ils peuvent aussi éprouver des sentiments contrastés comme la jalousie ou l’envie d’être aussi le centre des regards, ou encore la colère en lien avec la frustration que ce handicap occasionne dans la vie quotidienne.

L’enfant affecté peut quant à lui ressentir la culpabilité d’être la cause de bouleversements et d’émotions intenses qui impactent le fonctionnement familial. De nombreux enfants préfèrent ainsi taire leur souffrance morale et psychique, au prix d’assumer seuls une profonde douleur.

Chaque personne est donc conduite à réagir différemment en fonction de son histoire personnelle, son environnement et sa personnalité. Dans tous les cas, le handicap constitue un événement de vie qui bouleverse l’équilibre de la famille. Comme tel, il convient de le prendre en compte et de se faire aider. Le couple notamment est fortement ébranlé et fragilisé par la dépense d’énergie nécessaire pour s’organiser et gérer les émotions de tous.

Sandrine Massoni est psychologue clinicienne, diplômée d’un DESS de Psychologie de l’Enfant et de l’Adolescent à l’Université René Descartes (Paris V).